
Le podcast d'aujourd'hui est consacré aux liens qui unissent le microbiote et le syndrome de l'intestin irritable. Son titre : « Microbiote et syndrome de l'intestin irritable, vers plus de confort de vie ». J'ai le plaisir d'accueillir sur le plateau de ce podcast le professeur Gabriel Perlemuter, chef du service d'hépato-gastro-entérologie et nutrition à l'hôpital Antoine-Béclère à Clamart et au téléphone avec nous, madame Pauline Levasseur, 42 ans, patiente et bénévole de l'association APSSII, association des personnes souffrant du syndrome de l'intestin irritable. Cette association qui soutient, pour la première fois cette année, la campagne « Ma Santé Passe Par Mes Microbiotes ».
Bonjour à tous les deux, merci d'avoir accepté cette invitation. Je vais commencer par vous Pauline, et j’aimerais savoir depuis combien de temps vous souffrez de cette maladie ? Comment ce syndrome de l'intestin irritable s'est manifesté dans votre vie quotidienne ?
Pauline Levasseur :
Bonjour à tous. Effectivement, depuis toute petite, j'ai des souvenirs de maux de ventre intempestifs et réguliers. En grandissant, il a eu des symptômes un peu plus compliqués comme les migraines. Et à partir de, 16-17 ans, j'ai commencé à avoir de très fortes diarrhées à répétition, et alors là, autant dire qu’il y a eu des moments de vie un peu compliqués. Alors, comme toute maladie chronique, il y a des phases où ça va mieux et des phases où c'est beaucoup plus compliqué. Et c'est vrai que pendant des années, ça a énormément compliqué mon quotidien.
Est-ce que vous aviez d'autres symptômes également ? Est-ce que vous aviez pour la petite fille que vous étiez une possibilité de mener une vie normale avec tout ça ?
Pauline Levasseur :
J'avais des maux de vente mais à l'époque on me disait souvent : « Tu es très stressée » et c’était souvent en lien avec ça. Petite, ça ne m'a pas gêné outre mesure ; c'est plutôt en grandissant, dans mes études, quand j'ai commencé à travailler. D’être malade, cela devient très compliqué dans les transports, dans les magasins, tous les endroits où je ne pouvais pas aller aux toilettes. J'ai aussi développé ce que l’on appelle de la laxophobie : j'ai peur de ne pas pouvoir aller aux toilettes, puisque par moment c'est urgent, un peu comme une gastro-entérite. C'était des moments très compliqués à vivre avec des douleurs, des spasmes intestinaux très violents parfois. Gérer la douleur et tout ça mélangé, génèrent aussi beaucoup de fatigue.
Professeur Perlemuter. Pauline nous a parlé de sa propre expérience. Pourriez-vous nous expliquer d'une façon plus générale ce qu’est le syndrome de l'intestin irritable ?
Professeur Gabriel Perlemuter :
Bonjour, Pauline.
Pauline a bien décrit le syndrome de l'intestin irritable. Le syndrome l'intestin irritable, c’est la survenue de douleurs abdominales, donc de douleurs du ventre associées à un météorisme, c'est-à-dire pour parler dans le langage courant, au ventre qui gonfle et à des troubles du transit : diarrhée comme le dit Pauline, constipation qui survient régulièrement, une fois par semaine minimum, parfois plus pendant plusieurs semaines consécutives sans que l’on retrouve, ce que les médecins appellent, de maladies organiques sous-jacentes. Cela veut dire que les examens complémentaires que l'on pratique, que ce soit des examens endoscopiques, des examens radiologiques, des prises de sang, on ne retrouve pas d'anomalie.
Tout est normal ?
Professeur Gabriel Perlemuter :
Tout n'est pas normal puisque le patient ne se sent pas bien. Et là, on ressent la déception du patient. Le patient aurait aimé qu'on objective des perturbations de n'importe quel examen pour le faire rentrer dans une case, mais pour un médecin et même pour un patient, des arguments négatifs sont aussi importants que des arguments positifs pour pouvoir porter un diagnostic.
Connait-on les causes de ce syndrome ?
Professeur Gabriel Perlemuter :
Je vais dire oui et non. On connaît les facteurs favorisant de ce syndrome et il n'y a pas une cause. Et peut-être, vous vous retrouverez Pauline dans les facteurs favorisants ?
Donc les facteurs favorisants :
- c'est être une femme, donc ça effectivement vous faites partie.
- c'est des troubles de la motricité du tube digestif :
- le trouble digestif qui peut soit trop se contracter : ça peut donner une diarrhée, soit pas assez se contracter : ça va donner une constipation
- ça peut être une augmentation de la perméabilité de l'intestin
- ça peut être micro inflammation au niveau de l'intestin
- ça peut être des anomalies de la flore intestinale, c'est à dire des bactéries intestinales qui s'appellent scientifiquement du microbiote intestinal
- ce sont des anomalies de la sensibilité, c'est à dire que les personnes qui ont un syndrome de l'intestin irritable ressentent de façon plus importante les contractions l'intestin, la distension de l'intestin. Et cela peut rentrer dans le cas d'une hypersensibilité globale, où dans mon expérience, les personnes qui ont un syndrome de l'intestin irritable sont plutôt des personnes très sensibles, comme si cette sensibilité s'exprimait au niveau de l'intestin par une exacerbation du ressenti des douleurs.
Est ce qu'il y a aussi des symptômes qui peuvent concerner d'autres organes ?
Enfin, qui peuvent survenir en dehors de la sphère digestive ?
Professeur Gabriel Perlemuter :
Le syndrome de l'intestin irritable, au départ, c'est digestif. Mais, on n'est pas qu'un estomac, on n'est pas qu'un colon, on n'est pas qu'un intestin grêle, on est une personne en entier. Et donc, comme le dit Pauline, elle ressent une fatigue, donc les personnes qui ont un syndrome de l'intestin irritable peuvent être fatiguées. Elles peuvent avoir d'autres douleurs, elles peuvent :
- avoir des douleurs musculaires
- elles peuvent avoir des douleurs articulaires
- certaines peuvent avoir des tremblements
J'en ai vu certaines qui peuvent avoir des sueurs qui surviennent.
Les symptômes peuvent être multiples et le point commun, c'est une sensibilité, un gonflement du ventre, des troubles du transit.
Pauline, vous avez attendu assez longtemps avant de trouver le médecin qui a mis un mot sur vos troubles. A quel âge avez-vous été diagnostiquée et qu'est-ce qu'on vous a proposé à ce moment-là ?
Pauline Levasseur :
Effectivement, pendant longtemps, j'ai eu le sentiment de ne pas être prise très au sérieux. Même si mes symptômes pouvaient être beaucoup plus fréquents encore que ce que disait le Professeur, puisque moi, je pouvais avoir jusqu'à 6 ou 7 selles en deux ou trois heures le matin urgentes. J'ai eu des moments comme je disais très compliqués. J'ai vu plusieurs médecins qui ne posaient pas de diagnostic. Et puis vers 30 ans, j'ai rencontré un gastroentérologue qui m'a dit : « on va tout éliminer un par un ». Donc, il a fait tous les examens apparat pour éliminer toutes les autres maladies digestives et à la fin il m'a dit : « vous êtes négative à tout le reste ; il y a de grandes chances que ce soit ce syndrome » et il m'a dirigé, vers 30 ans, vers l'association l' APSSII dont je fais partie aujourd'hui et qui m'a beaucoup aidée à comprendre et aussi à accepter cette maladie.
Et du coup, quelle est la prise en charge qu'on vous a proposée ?
Pauline Levasseur :
J'ai été prise en charge par le Professeur Sabaté qui s'occupe de l'association. Déjà, le fait d’être comprise, de savoir ce qu'on a, ce que disait le Professeur, c'est un soulagement. Parce qu'on sait que ce n'est pas une maladie non plus très grave, qu’on peut apprendre à vivre avec. Et déjà, il y a eu un soulagement psychologique puisqu'on m'a dit « bah voilà, maintenant, on sait ce que c'est, on va essayer de trouver des clés pour retrouver une qualité de vie correcte » et me détendre un peu sur le sujet parce que j'étais un peu crispée à l'époque et apprendre à vivre avec ce syndrome et trouver des facteurs d'amélioration dans mon quotidien pour tout ça.
On vous a proposé un traitement ?
Pauline Levasseur :
On a testé plusieurs traitements qui n'étaient pas flagrants. J'ai fini par rentrer dans un protocole de recherche, où depuis maintenant quatre ans, je bénéficie d'un traitement qui ralentit la motricité de mon l'intestin, ce qui me permet d'avoir des journées normales hormis les coups de stress . Les coups de stress accélèrent aussi un peu les symptômes. Mais sinon, aujourd'hui, grâce à ce traitement, j’ai retrouvé une activité quasiment, complètement normale.
Professeur Perlemuter, ce diagnostic est donc très difficile à poser, on l'a vu.
Est-ce que le fait qu'il y ait une multitude de symptômes qui peuvent varier d'un patient à l'autre complique aussi la tâche du médecin ?
Professeur Gabriel Perlemuter :
Je pense, et je voudrais rebondir sur ce qu’a dit Pauline. Pauline a dit : « Je suis stressée. J'ai mal au ventre ». Mais en même temps, ça, il faut le prendre dans l'autre sens : « J'ai mal au ventre, je suis stressée ». Il y a une expression « Je suis stressé, j'ai mal au ventre ». C'est un grand classique. On connaît l'expression « J'ai la peur au ventre », j'ai peur, je ne suis pas bien, j'ai une diarrhée. Inversement, vous imaginez quelqu'un qui a des troubles du transit qui doit chercher tout le temps des toilettes, qui a peur de faire sur soi et donc ça l’a stresse de devoir trouver n'importe quel endroit où elle va avoir des toilettes et donc on est dans un cercle vicieux infernal.
D'autre part, quand on prend en charge ce type de personne, il est très important,
je pense, de ne pas se focaliser seulement sur le tube digestif. Evidemment, on vient vous voir en consultation sur le tube digestif mais, il faut prendre en charge la personne dans sa globalité.
Pauline nous a dit : « c'est arrivé à l'âge de 6 ans ». Donc, ça veut dire que c'est quelque chose de très très ancien. Je pense qu'il faut rentrer dans la vie des personnes. Pourquoi ça arrive ? Est-ce que
c'est juste le tube digestif ? Et c'est possible. Est ce qu'il y a eu une hypersensibilité globale ? Est-ce que ce sont des personnes qui ont subi dans leur enfance ou plus tard dans l'adolescence des traumatismes qu'ils soient physiques, qu'ils soient sexuels, qui soit psychologiques ? Et je pense que pour pouvoir régler ce problème du syndrome de l'intestin irritable, il faut vraiment rentrer dans la vie de la personne pour pouvoir la prendre de façon globale. Ensuite, vous me posez la question, est-ce que c'est compliqué à diagnostiquer ? C'est compliqué à diagnostiquer : pas tant que ça, quand on fait tout le bilan, on voit qu'il est négatif. Puis, si on a une personne jeune ou qui explique bien ses
symptômes comme le fait Pauline. C'est plus compliqué quand ça survient plus tard, quand il y a des symptômes un peu atypiques où le médecin et le patient ont la crainte de passer à côté d'une
maladie qui engendrerait un pronostic vital. On pourrait passer à côté. C'est la crainte.
Alors, Pauline nous l’a raconté. Elle bénéficie d'un traitement dans le cadre d'un protocole de recherche. Mais pour les autres patients, comment traiter d'une façon plus générale ce syndrome ?
Professeur Gabriel Perlemuter :
La prise en charge ce syndrome doit être globale. Quand on le prend sur le tube digestif, il faut bien comprendre que c'est une maladie chronique qui va poursuivre le patient toute sa vie qui va aller par des périodes de poussées et de rémissions. Et l'idée de mettre un traitement médicamenteux au long cours déplait souvent aux patients. Il faut aussi savoir rechercher des solutions alternatives. Je ne sais pas ce que vous en pensez pauline, plutôt que de prendre un traitement tous les jours que dieu fait, toute sa vie, surtout quand ça commence à l'âge de six ans comme vous ?
Pauline Levasseur :
Oui, il y a plein de choses que nous avons pu mettre en place, que l'association va conseiller et qui améliorent énormément, j'ai envie de dire, mon confort intestinal. Que ce soit l'alimentation, le sport, l'hypnose pour la gestion de la douleur, ce sont des choses vers lesquelles l'association m’a orientée et qui ont énormément changés mon confort intestinal et mon confort de vie.
Professeur Gabriel Perlemuter :
Absolument, comme le dit Pauline, il y a une prise en charge nutritionnelle : supprimer les aliments qui vont hériter le côlon, qui vont entraîner des fermentations. A discuter au cas par cas. Ça peut être du lactose, ça peut être du gluten, ça peut être des fructanes, ça peut être des produits qui fermentent, ça peut être des produits trop gras qui ralentissent la vidange gastrique… Donc, en premier, c'est quelque chose de nutritionnelle. Ensuite, c'est adapté vraiment au cas par cas. Il n'y a pas forcément besoin d'examens complémentaires pour savoir ce qu'il faut faire. Quand vous avez un transit accéléré, on va comme Pauline, sur un ralentisseur du transit. Quand on a des selles qui sont un peu grasses, on peut discuter d'une résine qui va chélater les acides biliaires pour pas qu’il n'y ait trop de bile dans les selles. Quand on pense à des anomalies du microbiote, on peut réfléchir à des probiotiques. Quand ça ne suffit pas, on peut parfois, de façon ponctuelle, ajouter des médicaments pour soulager la personne. Et puis, comme l'a dit Pauline, pour prendre la personne de façon globale, pour reconnecter le tube digestif au cerveau, il faut aussi agir sur le cerveau avec de l'hypnose, de la sophrologie, s'il y a une un traumatisme peut-être aller plus loin avec de l’EMDR
avec la psychologie. Mais, il faut une prise en charge globale du patient. Si vous prenez le patient uniquement dans sa tête et pas dans le tube digestif, ça ne marchera pas. Si vous prenez le patient uniquement dans le tube digestif et que vous ne comprenez pas pourquoi le niveau d'anxiété va engendrer des douleurs, ça sera également un traitement insuffisant.
Pauline. Est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu plus de tout ce que vous avez mis en place pour maîtriser votre maladie, la gestion du stress par exemple ?
Pauline Levasseur :
Pour tout ce qui est gestion du stress, moi, je trouve, qu’en fait, c'est le sport qui me permet de mieux canaliser mon énergie et qui me permet vraiment de me soulager. Puis, je pense que le renforcement musculaire aussi a un impact sur le confort intestinal. J'ai ce sentiment-là. Et puis, tout ce qui est sport un peu plus « cardio », je me canalise mieux et ça m'aide à me déstresser.
Je peux vous demander Pauline, combien de sports vous faites ? Combien d'heures et quels types de sports ?
Pauline Levasseur :
J'ai eu vraiment une grosse amélioration quand j'ai rencontré un coach sportif où je faisais une heure parfois deux heures par semaine de musculation et de cardio. Donc, c'était tout simple. Et c'est vrai que ça m'a beaucoup soulagée.
Et pour la gestion de la douleur ? Qu’est-ce que vous avez fait ?
Pauline Levasseur :
Dans le cadre de l'association et avec le suivi du Professeur Sabaté, il m'a fait rencontrer une hypnothérapeute qui m'a appris à m’auto-hypnotiser en cas de crise. Et c'est vrai que maintenant, aujourd'hui cela m'arrive encore d'avoir des douleurs mais qui sont tout à fait gérables. Alors que parfois, c'était très compliqué à gérer. J'apprends à me concentrer. En se concentrant sur la douleur, c'est là qu'on se rend compte que le cerveau a un pouvoir extraordinaire. On est capable de diminuer, de canaliser cette douleur. C'est un peu long à apprendre et à arriver à mettre en place. Mais aujourd'hui, je pense que c'est quelque chose qui est très intéressant. Et au sein de l'association, il y en a qui ont testé plein d'autres choses comme l'acupuncture, de la kiné… qui peuvent aussi aider à mieux gérer la douleur.
Le Professeur Perlemuter a parlé aussi de l'alimentation. Est-ce que vous avez fait le tri un peu dans certains aliments ?
Pauline Levasseur :
J'ai travaillé sur ce que l'on appelle les FODMAPs. Ce sont six catégories d'aliments qui fermentent. Avec une diététicienne, nous avons fait des tests : une par une sur chaque catégorie, pour voir celles qui me convenaient mieux et celles que je tolérais le moins. Et effectivement, en diminuant par exemple le gluten, alors c'est pas forcément lié à la maladie cœliaque, c’est que d'emblée, il y a une molécule qui fermente. Si je mange trop de blé, je ne suis vraiment pas bien et je peux être rapidement malade comme avec certains fruits, certains légumes. Bizarrement, je supporte bien le lactose. Nous avons fait des tests et au contraire, peut-être que cela améliore mon microbiote. Justement, je sais qu'il peut y avoir un lien.
On va continuer sur ce sujet que vous venez d'évoquer : le microbiote.
Il a parfois été constaté chez des patients atteints de ce syndrome de l'intestin irritable, la présence de dybiose qu'on définit, communément, comme un déséquilibre entre les bonnes et les mauvaises bactéries à l'intérieur du microbiote intestinal.
Professeur Perlemuter. Quel est le lien entre ce déséquilibre et ce syndrome ?
Professeur Gabriel Perlemuter :
Les liens sont multiples et complexes. D'abord, quand on observe qu’il y a une dysbiose, cela veut dire quoi ? Cela veut dire que, par rapport à des personnes qui n'ont pas de troubles du transit, on observe un microbiote différent. Ce sont des corrélations, ce n'est pas une causalité. Ensuite, quand on rentre dans le mécanisme : Comment le microbiote va t’il agir sur les symptômes ? Il peut y avoir plusieurs mécanismes. Il peut y avoir par exemple, une augmentation de la perméabilité de l'intestin qui peut être à l'origine d'une micro inflammation. Mais on peut très bien imaginer qu'il n'y ait pas d'augmentation de la perméabilité et que par d'autres mécanismes, comme la production de certains métabolites, comme la production de certains gaz par le microbiote, on génère une distension du tube digestif qui soit douloureuse, on génère une modification de la fabrication d'acides biliaires : de la des conjugaisons de certains acides biliaires par le microbiote et que cela va aboutir à des symptômes. Et donc, il ne faut pas faire le raccourci « dysbiose » « «augmentation de la perméabilité de l'intestin ». Il peut y avoir beaucoup d'autres mécanismes. Cette dysbiose-là joue vraisemblablement un rôle dans le syndrome de l'intestin irritable.
Et aujourd'hui qu'est-ce que vous pourriez nous dire de la place des probiotiques dans ce syndrome de l'intestin irritable ? Est-ce que c'est une piste prometteuse ? Est-ce que vous pouvez déjà définir les probiotiques ?
Professeur Gabriel Perlemuter :
Les probiotiques, c'est quoi ? Les probiotiques ce sont des êtres vivants : bactéries, levures qui pris en quantité suffisante chez un individu en bonne santé vont avoir un effet bénéfique sur la santé. Et donc, comme on parle de dysbiose au cours du syndrome de l'intestin irritable, il est logique de vouloir amener des bactéries bénéfiques, anti-inflammatoires pour traiter la dysbiose et améliorer les symptômes. Effectivement, il y a des groupes de patients chez qui, quand vous amenez des probiotiques et bien vous allez améliorer les symptômes. Le choix des souches est compliqué. Il y a des souches qui sont plutôt rapportées pour avoir un effet sur l'anxiété, d'autres plutôt sur la distension abdominale… On est vraiment dans de la micro médecine. La dose des souches, les associations ou pas, on tâtonne chez le patient pour savoir quel est le meilleur traitement à lui proposer. Avec ce type d'approche, on arrive à améliorer les symptômes de certains patients. Effectivement donc, ils ont leur place. Après, il faut bien comprendre. Imaginez une salle de concert, une salle de cinéma, elle est pleine et vous amener des probiotiques. Ils arrivent comme si vous, vous rentriez dans une salle de cinéma qui est pleine, donc vous ne pouvez pas vous asseoir. Et pareil si vous amenez des probiotiques, ils ne peuvent pas s'asseoir et s'implanter. Cela veut dire qu'il faut les amener régulièrement parce qu'ils « font leur boulot » et puis ils s'en vont.
Pauline, vous êtes adhérente de l'association APSSII. Quel est son rôle dans la vie des patients ? Comment elle peut les aider ?
Pauline Levasseur :
Tout d'abord, par le fait de se sentir moins seul et de comprendre nos symptômes et de pouvoir partager. Je pense qu'il y a un rôle un peu social et psychologique dans l'association. Ensuite, la deuxième possibilité, c'est de vous proposer des idées pour améliorer votre confort. Donc il y a pas mal d’échanges d'idées sur des traitements, sur des médecines parallèles…qui peuvent vous aider et vous orienter vers les bons médecins, aussi, qui connaissent bien la maladie. Et enfin, je pense que d'adhérer à une association c'est important aussi pour soutenir la recherche. Moi, j'ai aussi « ce truc » où j'avais du mal à parler de ma maladie et aujourd'hui je sais que la recherche avance. On ne sait pas la guérir mais on sait la soulager, on sait la traiter. Et je me dis que plus on sera nombreux à adhérer à cette association et à participer aux études, plus la recherche va avancer pour que l’on trouve un traitement idéal pour tous et adapté à chacun.
Professeur Perlemuter. La recherche médicamenteuse, est-ce qu'elle s'intéresse beaucoup au syndrome de l'intestin irritable ?
Professeur Gabriel Perlemuter :
Elle s'intéresse au syndrome de l'intestin irritable dans le sens où la prévalence, c'est à dire la fréquence de ce syndrome, est extrêmement importante dans la population. Cela dépasse 10% de la population, donc c'est extrêmement important. Elle s'intéresse moins que dans d'autres maladies, dans le sens où il n'y a pas de pronostic vital engagé et où de nombreux médicaments dans le syndrome de l'intestin irritable, vu que le pronostic vital n'est pas engagé, ne sont pas pris en charge par les systèmes de soins et doivent être financées par les patients eux-mêmes.
Pauline Levasseur :
L'association a quand même prouvé que la qualité de vie pouvait être extrêmement altérée dans certains cas. Elle nous parle de plus en plus de la maladie. On comprend que même si le pronostic vital n'est pas engagé, l'impact est quand même très lourd pour certains patients et c'est aussi pour ça que la recherche avance.
Professeur Gabriel Perlemuter :
Absolument, vous avez complètement raison. L'impact sur la vie est tellement important que cela engendre une véritable souffrance des personnes qui en sont atteintes. Et cela engendre également des coûts de santé extrêmement importants parce que la souffrance est telle que certains n'arrivent pas à se rendre compte que cela est lié à l'intestin irritable et qui recherchent de façon extrêmement poussée une autre maladie qu'on ne trouve pas. Donc, je suis complètement d'accord avec vous.
Sur quel type de médicaments, la recherche est-elle en train de travailler ?
Professeur Gabriel Perlemuter :
La recherche travaille d'une part sur, vous l'avez dit, sur le microbiote, sur des greffes de selles. La recherche travaille également sur des modificateurs de la motricité intestinale, surtout sur ce type de molécules.
Pauline. Est-ce que vous avez un message à transmettre à toutes les personnes qui souffrent du syndrome de l'intestin irritable et qui n'ont pas encore mis un nom sur leur maladie ?
Pauline Levasseur :
Vous m’auriez demandé ça il y a peut-être dix ou quinze ans, j'aurais été moins positive. Mais aujourd'hui, je me rend compte que dans ma vie, j'ai fait plein de choix grâce cette maladie. J'ai choisi une vie professionnelle d'entrepreneur pour gérer mon temps plus facilement. Et finalement, cette maladie elle m'a donné envie d'être libre et elle m'a donné cette liberté dont j'avais besoin. Donc aujourd'hui, voilà, j'arrive à vivre. Il y a encore des choses qui sont compliquées à gérer comme les transports ou autre. Mais finalement, je me suis rendue compte que ce n’est pas une maladie très grave et qu'il y a plein d'autres maladies beaucoup plus compliquées, si on arrive à l'accepter. Aujourd'hui, il y a quand même plein de méthodes pour adoucir les symptômes et bien les gérer. Il faut vous dire que vous allez trouver la solution. J'ai envie de dire à tous les patients que vous allez trouver comment vivre avec votre maladie qui au final n'est pas si grave que ça, même si parfois très handicapante, ce que je comprends très bien.