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Microbiote et immunité
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Microbiote et immunité : l'allié santé à ne pas négliger

Microbiote et système immunitaire : un duo iconique sur la scène de votre santé. Le Pr. Harry Sokol, gastro-entérologue et chercheur à l'Hôpital Saint-Antoine AP-HP à Paris, et Max, patient au système immunitaire fragile, prennent le micro et vous expliquent comment bien les accorder, le temps d’un épisode de « Ma santé passe par mes microbiotes » ! Un épisode enregistré dans le cadre de la campagne nationale d'information "Ma Santé Passe Par Mes Microbiotes" : 5 podcasts témoignages de patients et médecins, proposés par le laboratoire PiLeJe, avec la Fondation AP-HP, l’association Afa Crohn RCH France, l’association APSSII et l’établissement thermal Aïga Resort.

Microbiote et immunité : l'allié santé à ne pas négliger Professeur Harry Sokol et Monsieur Max de Fonréaud
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Le podcast d'aujourd'hui est consacré aux liens qui unissent le microbiote et l’immunité. Son titre :  « Microbiote et Immunité, l’allié santé à ne pas négliger ».  J'ai le plaisir d'accueillir sur le plateau de ce podcast le Professeur Harry Sokol, gastro-entérologue à l'Hôpital Saint-Antoine à Paris, également chercheur à l'Inserm et à l'Inra, et Monsieur Max de Fonréaud, 66 ans, au téléphone avec nous, qui a cherché à renforcer son immunité suite à plusieurs problèmes de santé. 

Bonjour à tous les deux. Merci d'avoir accepté cette invitation. Professeur Sokol. Microbiote et immunité sont intimement liés. Pour quelle raison ? Pourriez-vous nous expliquer comment ils interagissent ? 

Professeur Harry Sokol :
Bonjour. Effectivement, le microbiote est lié de manière extrêmement proche, interconnecté avec notre système immunitaire, et ce pour plusieurs raisons. La première raison, c'est que notre microbiote joue un rôle dans la stimulation, la maturation de notre système immunitaire. Et cela, on a pu le constater grâce à l'étude de souris élevées sans microbiote. Elles sont stériles, c'est à dire sans son micro-organisme. Et lorsque l'on compare ces souris à des souris normales qui ont un microbiote, eh bien, elles ont un système immunitaire qui va être complètement atrophié, défaillant, et ce dans l'intestin, mais aussi plus globalement dans l'ensemble de l'organisme.

C'est à dire que le microbiote a un impact qui dépasse l'intestin ? 

Professeur Harry Sokol :
Oui, absolument. Notre intestin, bien sûr, il sert à absorber les calories. C'est sa fonction principale. Mais il absorbe d'autres choses qui sont présentes dans la lumière intestinale, comme les molécules produites par nos micro-organismes, notre microbiote.
Et donc ces molécules vont être absorbées, se retrouver dans notre circulation générale après passage du filtre que constitue le foie. Et ensuite ces molécules vont pouvoir circuler dans l'ensemble de l'organisme et on est finalement imbibé par ces molécules microbiennes.

Et donc, si le microbiote, par exemple au début de la vie, a été perturbé, il y a un impact sur le système immunitaire ?

Professeur Harry Sokol :
Effectivement, on s'est rendu compte, ces dernières années, que la période néonatale est clé dans l'éducation du système immunitaire et dans ce cadre-là, le microbiote joue un rôle vraiment fondamental. Autrement dit, si on a des interactions normales entre le monde microbien et notre système immunitaire au début de la vie, notre système immunitaire va être éduqué de manière correcte, normale, de manière à répondre de manière appropriée ensuite à des agressions au cours de la vie. Inversement, s'il y a des perturbations dans ces premières interactions avec le monde microbien, ça peut être par la prise d'antibiotiques, ça peut être par un mode d'accouchement, par césarienne ou une alimentation plus ou moins altérée. Et bien, il y a un risque que notre système immunitaire soit, entre guillemets « mal éduqué » et donc qu'il puisse, y compris à l'âge adulte, réagir de manière anormale à des agressions. Et donc, ça peut jouer un rôle dans l'initiation ou la sévérité d'un certain nombre de maladies.

Alors Max, justement, vous avez depuis une vingtaine d'années quelques problèmes de santé assez permanents. Lesquels ?

Max :
Donc, j'ai le nez encombré et avec des glaires bloquées dans la gorge depuis des années. Je dirais au moins 25 ans. Et je ne m’étais jamais posé aucune question, parce que pour moi, c'était les conséquences d'un très violent choc de rugby qui m'avait aplati le nez entre les deux yeux, pour dire les choses simplement, suivi de deux opérations lourdes. Et donc, je m'étais fait à l'idée que c'était les conséquences de cet accident de rugby. Donc ça, c'est le long terme. Et puis, à 66 ans, on commence à faire partie de la tribu des « Tamalous ». Donc, je me retrouve avec une glycémie un peu limite et un peu de cholestérol, des remontées gastriques acides régulières dans l'œsophage, pas mal de crampes et puis des douleurs articulaires, principalement aux chevilles, qui commençaient à me gêner beaucoup. Mais voilà, je ne me posais pas de questions. Je pensais que c'était l'âge qui venait et puis les conséquences d'un accident. 

Mais pourquoi avez-vous pensé, à un moment donné, qu'un certain nombre de ces problèmes pouvaient être liés à votre immunité et à votre microbiote ?

Max :
Alors moi, je n'y ai pas pensé du tout. C'est vraiment les hasards de la vie. J'ai rencontré un jour un médecin spécialisé sur ces sujets-là qui m'a parlé de médecine préventive, qui m'a raconté justement toute l'histoire des microbiotes et j'avais trouvé ça tout à fait intéressant, tout à fait innovant. Et quand il m'a dit on regarde pas tous ce que tu décris comme éventuelle pathologie, pourquoi on n’essaye pas quelque chose ? Et c'est lui qui m'a expliqué que ça pouvait venir du microbiote. Moi, personnellement, je n'y avais pas du tout pensé. 

Et vous avez fait des analyses ? 

Max :
Oui. Il m'a fait faire des analyses biologiques et quand il a reçu les résultats, il a attiré mon attention sur le fait qu'il y avait probablement un problème d'immunité, de microbiotes et qu'il fallait que je fasse quelque chose : engager un traitement à base de compléments alimentaires et que ça devrait avoir des résultats positifs sur mon état de santé quotidien. 

Professeur Sokol. On constate un déficit immunitaire chez certains patients, mais qu'est-ce que cela veut dire exactement ?

Professeur Harry Sokol :
Le déficit immunitaire, c'est une famille de maladies extrêmement large, dans lequel une des fonctions du système immunitaire est altérée. Ce n'est pas du tout le cas de Max qui nous parle ici. On n'est pas du tout dans cette situation. Les patients qui ont des déficits immunitaires vont être à risque de faire des infections extrêmement sévères qui vont les conduire à l'hôpital. Bien heureusement, ce sont des maladies globalement très rares. 

Et quand on parle comme ça dans le langage courant, de vouloir stimuler son immunité comme le fait Max après cette rencontre avec un médecin, qu'est-ce que ça veut dire ?

Professeur Harry Sokol :
Ce qui est sous-jacent, c'est l'idée que le microbiote intestinal stimule l'immunité. Et donc, pour essayer d'avoir un système immunitaire qui est, on va dire, réactif, prêt à jaillir en cas d'infection, il y aurait l'idée d'aller le stimuler avec des bactéries, des probiotiques ou autres. 
Peut-être à définir les probiotiques ?

Professeur Harry Sokol :
Un probiotique, qu'est-ce que c'est ? La définition est en train de changer, mais la définition classique, on va dire, ce sont des micro-organismes, le plus souvent des bactéries, qui sont ingérés vivants et qui ont des effets bénéfiques sur la santé. Donc, voyez que c'est une définition assez large. C'est une stimulation du microbiote via l'alimentation, essentiellement. 

De quelle façon l'alimentation peut-elle jouer un rôle ? Quels sont les aliments à privilégier ?

Professeur Harry Sokol :
Le microbiote et les bactéries de l'intestin, les bonnes bactéries de l'intestin, elles se nourrissent des fibres végétales, donc de ce que l'on trouve dans les fruits et les légumes. Donc, la première bonne habitude à prendre, c'est de manger des fruits et des légumes en grande quantité et en grande diversité. Si on mange des fruits et des légumes différents, et bien, on va stimuler des micro-organismes différents.

Est-ce que les aliments fermentés peuvent jouer un rôle ? 

Professeur Harry Sokol :
Effectivement, il y a un certain nombre de données qui suggère que de manger des aliments fermentés aide aussi le microbiote à se développer. Il y a notamment un article très récent qui a été publié il y a quelques semaines, qui montre chez des sujets sains que d'enrichir son alimentation en produits fermentés, et bien, cela va augmenter la diversité du microbiote intestinal. Et d'ailleurs c'est assez étonnant, ce n'est pas exactement avec les bactéries que l'on ingère, mais c'est plutôt une stimulation des bactéries endogènes qui sont présentes probablement, mais à des niveaux très faibles dans l'intestin des sujets qui sont restimulées comme ça, ça diversifie le microbiote. 

Quelques exemples de ces aliments fermentés ?

Professeur Harry Sokol :
Oui, alors, il y a des aliments fermentés dans énormément de cultures traditionnelles : la choucroute, le kimchi en Corée, par exemple.

Le lassi, en Inde ?

Professeur Harry Sokol :
Absolument, le lassi également. Et puis, on peut penser tout simplement au yaourt, voire à certains fromages. Là aussi, ce sont des aliments qui sont fermentés.

Alors, est ce qu'un microbiote qui est déséquilibré, en mauvaise santé en quelque sorte, peut devenir un facteur de gravité des affections respiratoires ou même d'autres maladies ? Autrement dit, est ce que les personnes qui développent des formes graves d'infections respiratoires ont un microbiote qui est perturbé ?

Professeur Harry Sokol :
Alors on a essentiellement des données expérimentales chez l'animal et quelques données épidémiologiques chez l'Homme. Chez l'animal et notamment la souris, il a été bien montré que, par exemple, dans les cas d'infections par le virus de la grippe ou la bronchiolite, et bien, le fait d'avoir un microbiote perturbé va augmenter la sévérité de l'infection par le virus. Une partie au moins des mécanismes impliqués, c'est le fait que certaines bactéries de l'intestin produisent des molécules actives normalement, justement à partir des fibres végétales, ces molécules, ce sont les acides gras à chaîne courte, comme par exemple le butyrate et ces molécules sont très importantes pour la modulation de l'activation du système immunitaire. Et donc, dans ces infections virales, ces molécules vont jouer un rôle dans la stimulation de l'immunité. Mais je dirais surtout pour éviter l'emballement du système immunitaire finalement, qui en lui-même peut être délétère. Si on prend un exemple actuel, l'infection par le virus du Covid, il y a un certain nombre d'arguments qui suggèrent qu'un microbiote perturbé pourrait augmenter la sévérité de cette infection. Par exemple, on a remarqué que les patients obèses étaient plus à risque de faire des infections graves et on sait que ces patients ont un microbiote perturbé.

Quand vous dites un microbiote perturbé, c'est ce qu'on appelle en terme médical la dysbiose ?

Professeur Harry Sokol :
Oui, effectivement, la dysbiose c'est un terme qui est assez vague, mais qui veut dire en gros que le microbiote a une composition anormale par rapport à des sujets sains. Et au-delà, que finalement l'interaction entre le microbiote et nos cellules, notre système immunitaire, est altéré.

Professeur Sokol. A l'occasion de la campagne « Ma santé Passe par Mes Microbiotes » de l'année dernière, vous nous aviez parlé de l'étude COV-Biome, financée en grande partie par la Fondation l'AP-HP. Où en est-on? Est-ce que cette étude a permis de faire le lien entre l'état du microbiote et la gravité de l'infection par le coronavirus ?

Professeur Harry Sokol :
Cette étude, elle consiste à analyser le microbiote de patients qui sont infectés par le virus du COVID. Elle est encore en cours et on espère avoir des résultats en 2022. Mais néanmoins, on a d'autres éléments qui sont maintenant disponibles. Il y a un certain nombre de travaux qui montrent effectivement que, en fonction du microbiote du patient avant l'infection, il y aurait un risque différent en termes de sévérité de cette infection. Et, il y a également une autre étude Nord-américaine qui a été publiée, il y a quelques semaines, qui éclaire aussi sur le rôle du microbiote puisqu'il montre que les patients qui ont une alimentation de bonne qualité, notamment avec des fibres végétales prises en grande quantité, ont un risque plus faible de faire une forme grave de cette infection par le COVID. Et donc ça, ça va vraiment dans le sens que, avoir un microbiote diversifié et en bonne santé est protecteur finalement vis à vis de ce type d'infection.

Max, je me retourne vers vous. Vous aussi vous avez essayé d'améliorer votre microbiote pour être en meilleure santé. De quelle façon avez-vous été traité ?

Max :
Il y avait plusieurs axes. Il y avait d'abord des compléments alimentaires. Pendant deux mois, il y avait un probiotique. Et puis il y avait d'autres compléments alimentaires dont on m'a expliqué qu'ils avaient pour but de jouer sur la perméabilité de mon intestin. Donc, j'ai pris ces produits pendant deux mois. Mais en même temps, le médecin a un peu modifié mon hygiène de vie. On m'a demandé de le faire et je l'ai fait volontiers. Et il m'a fait manger plus de protéines parce que j'en mangeais de moins en moins en pensant que ce n'était pas utile, et il m'a expliqué que pour les pour les « jeunes-vieux », c'est au contraire l'inverse qu'il fallait faire. Donc, j'ai repris du muscle tout en maigrissant. J'ai retrouvé une musculature.

Vous avez fait du sport alors ?

Max :
Oui. Il m'a demandé de faire 1 heure de marche tous les jours et c’est ce que j'ai fait. Et puis, j'ai diminué un peu le sucre, ce qui est très difficile chez moi parce que je suis gourmand. Donc, j'ai mangé moins de riz et beaucoup plus de légumes et puis il m'a fait pratiquer le jeûne séquentiel : 15 heures entre le repas du soir et le déjeuner du lendemain.

Sans manger ? 

Max : Sans manger et en faisant de sport à jeun le matin. Voilà, donc j'ai fait tout ça avec diligence.

Et quels sont les résultats au bout de deux mois ?

Max :
Les résultats, je les trouve tout à fait étonnants. D'abord, très concrètement ; quand je faisais un parcours de golf au 14ᵉ trou, je commençais à « tirer vraiment la patte ». Et maintenant, je fais 18 trous sans problème et je pense que je pourrais repartir facilement pour 27. Et mes problèmes respiratoires se sont vraiment améliorés. J'ai beaucoup moins de glaires. Cela m'a beaucoup surpris parce que je pensais que c'était devenu mécanique avec mes accidents de rugby. Et puis mes douleurs articulaires ont nettement diminué et les remontées acides ont complètement disparu. Donc, j'ai trouvé que c'était sympathique et que ça a amélioré quand même mon quotidien. Donc, j'ai été très content.

Professeur Sokol. Que pensez-vous de cette histoire de Max qui laisse à penser qu'il y aurait un lien entre cette dysbiose, autrement dit, cette altération de la composition du microbiote et ses problèmes respiratoires ?

Professeur Harry Sokol :
Ce que l'on voit bien dans l'histoire de Max, c'est qu'il a en fait changer de mode de vie. Ce n'est pas uniquement une action sur le microbiote, il a de toute évidence perdu de la masse grasse. Il a enrichi son alimentation en fibres végétales. Alors les protéines, bien sûr, c'est important. Il en faut pour construire les muscles, mais notamment vis à vis du microbiote, ce sont vraiment les fibres végétales qui sont impliquées et pas les protéines. Et puis, il a également fait du sport, donc on voit que c'est vraiment un changement global de mode de vie. Et évidemment, tous ces facteurs, ils sont impliqués dans la santé. Il y a un certain nombre d'éléments qui suggèrent qu'il y a un état micro inflammatoire chez une grande partie des seniors, on va dire, et on jouant sur l'alimentation et sur le mode de vie, on peut diminuer cet état micro inflammatoire et ça a probablement un rôle dans la diminution notamment des douleurs articulaires.

Alors comme Max, beaucoup de personnes ont envie d'améliorer leur microbiote et leur immunité. Alors comment? En tenant compte des données de la science, on peut vraiment agir aujourd'hui ? Qu'est-ce qu'on peut dire?

Professeur Harry Sokol :
Ce que l'on sait, c'est que pour avoir un microbiote en bonne santé, il faut à la fois l'enrichir, le stimuler et en même temps éviter de l'agresser. Pour le stimuler, pour l'enrichir, il faut manger des fibres végétales. On revient à la même chose : fruits et légumes en grande quantité, en grande diversité. Et pour éviter de l'agresser, il faut prendre des antibiotiques que quand c'est indispensable. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas prendre d'antibiotiques, encore une fois, c'est un médicament absolument indispensable, mais en prendre que quand c'est indispensable, justement. Il faut également éviter les aliments qui vont agresser le microbiote. Et c'est notamment tout ce qui est l'alimentation industrielle, les produits transformés ultra transformés.

Avec beaucoup d'additifs ?

Professeur Harry Sokol :
Exactement. On sait que tous ces additifs : les émulsifiants, un certain nombre de conservateurs, même des colorants, ont des effets sur le microbiote intestinal et donc sur l'intestin, avec un rôle dans un état inflammatoire justement.

Max. Est ce que vous allez continuer à prendre vos compléments alimentaires ? Allez-vous continuer aussi cette nouvelle hygiène de vie ?

Max :
Alors l'hygiène de vie, sûrement. Les compléments alimentaires, probablement. Mais, je vais surtout suivre les conseils du médecin qui m'a emmené là-dedans. Je dois revoir le médecin bientôt et puis, on décidera ensemble de ce que je fais, si je continue et avec quoi. Mais en tout cas, s'il me propose de continuer, moi je suivrai certainement le mouvement.

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